En mode survieLe centre- ville de Huntingdon s’en allait déjà à la dérive quand, le 13 décembre 2004, les six usines de textiles qui employaient 850 personnes ont fermé leurs portes en même temps.Cleyn & Tinker et Huntingdon Mills employaient 70 % de la population active de la ville.« Une ville pauvre »Le maire Stéphane Gendron désigne désormais cette journée comme le « lundi noir » de Huntingdon. « Bang! Bang! dans la même journée! » , dit-il. Cinq ans plus tard, la pauvreté se voit à l’oeil nu quand vous entrez dans la petite ville de Huntingdon située à une heure de route au sud-ouest de Montréal.
Les rues crevassées parsemées de nids de poules et les maisons construites de puis plus de 60 ans affichent leurs airs négligés. Résultat d’un demi-siècle de sous-investissement chronique, maugrée le maire Gendron. « Nous perdons 60 % de notre eau potable en raison des fuites sur notre réseau souterrain » , confesse-t-il.
Remplacer les conduites d’aqueduc et d’égout, repaver les rues et refaire les trottoirs coûtera dans les 18 millions de dollars, prévient le maire Gendron. Une fortune pour une municipalité dont le budget annuel dépasse à peine 4,5 millions de dollars.
Stéphane Gendron regarde la situation bien en face. « Nous sommes une ville pauvre, concède-t-il. C’est le propre des villes industrielles. Trente pour cent de la population sont des assistés sociaux (...) Il y a beaucoup de cas de misère humaine, des cas de
DPJ (Protection de la jeunesse). À l’école primaire anglophone, le taux de carie dentaire des enfants dépasse 60 %. »
La population de Huntingdon est passée de 3 000 habitants à 2 500 au cours des 25 dernières années. « Nous avons 30 naissances par année et 60 décès. Donc, nous perdons 30 personnes par an au net. Il y a deux salons funéraires à Huntingdon et ils marchent dans le tapis » , dit-il en pouffant de rire.
La moitié de la population de Huntingdon a 45 ans et plus et l’arrivée d’immigrants sur le territoire est nulle depuis dix ans. « À chaque tranche de cinq ans, la ville perd environ 5 % de sa population, plaide le maire Gendron dans un document de réflexion exposant ses intentions de repeupler la ville. Ce taux ira en s’accélérant au fil des prochaines années. À ce rythme, Huntingdon sera en deçà de 2 000 habitants d’ici les 15 prochaines années. »
La municipalité présente tous les symptômes d’une localité dévitalisée, suivant les critères du
ministère des Affaires municipales : 35 % de la population ne possède pas de diplôme de 5e secondaire, le taux de chômage est de 11,8 % (comparativement à 7 % pour l’ensemble du Québec), le niveau de revenus est proche ou sous le seuil de pauvreté, la population est en décroissance, l’âge moyen de ses habitants est de 48 ans.
« Le concept de ville dévitalisée est parti de chez-nous, affirme Stéphane Gendron. On a appelé ça le syndrome Huntingdon. »