La belle vie pour des patrons de CEGEPVoyages aux quatre coins du monde et séjours dans des auberges de grand luxe, en pleine période de restrictions budgétaires...Alors qu’ils sont censés se serrer la ceinture pour participer à « l’effort » gouvernemental de réduction des dépenses, des dirigeants de cégeps ne se sont pas gênés pour voyager aux quatre coins du monde ou séjourner dans des auberges de grand luxe, l’an dernier, aux frais des contribuables.
« Missions » en Guadeloupe, au Brésil ou en Europe, « formation » dans un chic hôtel situé en bord de mer ou « réunion » dans une des rares auberges cinq étoiles du Québec, certains directeurs de collèges sont loin d’avoir limité leurs dépenses en 2010. En tout, les patrons de 40 cégeps ont effectué des dépenses de voyage, d’hébergement, de restauration et de « représentation » totalisant au moins 324 000 $, l’an dernier, selon nos calculs.
Une auberge cinq étoilesEn examinant leurs notes de frais, le Journal a constaté que plusieurs d’entre eux sont de véritables globe-trotters, alors que d’autres ont tendance à opter systématiquement pour des hôtels haut de gamme.
C’est le cas du directeur général du
Collège Dawson, Richard Filion, qui a jugé bon d’organiser une « session de planification » avec cinq de ses adjoints à la chic
Auberge Ripplecove d’Ayer’s Cliff, dans les Cantons-de-l’Est, un des 18 établissements cinq étoiles du Québec.
Interrogé par le Journal, le directeur a d’abord justifié ce choix en affirmant que « c’est le seul endroit qui était disponible à ce moment-là » , avant de se raviser en indiquant que « c’est l’endroit qui nous convenait. » Loin de douter de la pertinence d’organiser une réunion dans un hôtel de luxe, M. Filion a dit croire que les dépenses reliées à cet événement étaient « raisonnables » et que plusieurs contribuables le « comprenaient. » ( voir page 2)
Le Journal a aussi appris qu’une vingtaine de dirigeants du réseau collégial se sont réunis dans ce même hôtel, en janvier 2010, à l’occasion d’un « conseil d’administration » de la
Fédération des cégeps.
L’organisme reconnaît que cela s’est produit, mais assure qu’il s’agissait d’un événement « exceptionnel » .
Le
Fairmont Algonquin, un hôtel de prestige situé en bord de mer, au Nouveau-Brunswick, et l’Auberge des Gallant, un établissement quatre étoiles de la Montérégie, ont aussi vu défiler plusieurs dirigeants de cégeps, l’an dernier, parfois en plein mois de juillet.
Guadeloupe, Maroc, BrésilAu moment où le gouvernement impose une réduction des dépenses aux employés de l’État, plusieurs patrons de cégeps ont continué de parcourir le monde à un rythme étourdissant, en 2010. Mais la plupart de ces « missions » , qui s’inscrivent dans « la volonté d’internationalisation des collèges » , tardent à donner des résultats.
C’est le directeur général du Cégep Édouard-Montpetit, Serge Brasset, qui a effectué le plus de voyages à l’étranger, indiquent les documents compilés par le Journal. Il s’est rendu en Inde, en Chine, en Angleterre, au Brésil et en France, principalement à titre de directeur de l’École nationale d’aérotechnique.
D’autres patrons de collèges ont opté pour des destinations plus exotiques.
Le directeur général du Cégep de Rimouski a effectué une mission de recrutement en Guadeloupe, alors que son collègue du Cégep de Saint-Hyacinthe s’est rendu au Maroc, notamment afin d’assister à une réunion.
Avec la collaboration d’Andrée Leblanc et de Serge Laplante, notre recherchiste à l’Assemblée nationale.
Quelques-uns des directeurs globe-trotters:
- Richard Filion, Dawson
Inde et Boston, pour établir des partenariats.
6 418 $ - Serge Brasset, Édouard-Montpetit et École d’aérotechnique
Inde, Chine, Brésil, France et Angleterre, surtout pour conclure des partenariats.
22041 $ - Jean-Pierre Villeneuve, Rimouski
Oú et quol? Guadeloupe, pour recruter des étudiants.
4 439 $ - Marie-France Bélanger, Sherbrooke
Brésil, pour conclure des ententes avec des établissements.
3629 $ - Michel Gravel, Jonquière
Brésil, pour conclure des ententes de partenariat.
3 629 $ - Roger Sylvestre, St-Hyacinthe
Maroc, pour assister à une assemblée obligatoire du programme Vatel et pour du « partage d’expertise. »
2 200 $ - Murielle Lanciault, Vieux-Montréal
Brésil, pour « renforcer et développer des partenariats ».
3 800 $ - Bernard Lachance, Lanaudière
Brésil, pour « conclure des ententes de collaboration ».
2 108 $ - Claude Harvey, La Pocatière
France, pour représenter les cégeps lors d’une formation sur l’internationalisation de l’éducation.
3 587 $
Un 5 étoiles très fréquentéEn plus de l’équipe de direction du Collège Dawson, 25 cadres de cégeps se sont réunis à la chic Auberge Ripplecove, en janvier 2010, pour une « réunion du conseil d’administration de la Fédération des cégeps. »
La tenue de cet événement a coûté au moins 5 600 $, une somme qui a vraisemblablement été épongée par les contribuables. Les cadres qui y ont participé ont réclamé le remboursement de leurs frais de séjour en plus de réclamer leurs frais de déplacement.
« C’est tout à fait exceptionnel que la Fédération tienne un C. A. ailleurs que dans les grands centres urbains » , plaide la porte-parole de l’organisme, Caroline Tessier.
« Vous êtes fatigant »Le directeur du Collège Dawson, Richard Filion, n’a pas apprécié d’être interrogé au sujet de la réunion qu’il a organisée pour six cadres à l’Auberge Ripplecove, en bordure du lac Massawippi.
Pressé de questions à ce sujet, M. Filion a dit trouver l’auteur de ces lignes « fatigant » et lui a demandé s’il avait « la tête dure. » Le Journal tentait de comprendre pourquoi le D. G. n’avait pas plutôt tenu cette réunion au cégep.
Les coûts exacts de ce séjour sont inconnus, mais M. Filion a laissé entendre qu’ils pourraient atteindre 1 700 $, en plus des repas.
Une auberge après l’autreÀ peine revenu de l’Auberge Ripplecove, en août dernier, Richard Filion s’est retrouvé dans un autre hôtel situé dans un cadre champêtre, cette fois, en compagnie de ses collègues directeurs d’autres cégeps anglophones.
Cette réunion du « English Steering Committee » s’est tenue à l’
Auberge des Gallant, en Montérégie.
Chacun des participants a réclamé quelques centaines de dollars aux contribuables pour séjourner dans cet établissement quatre étoiles. Le directeur du Cégep Vanier a ainsi obtenu un remboursement de 331 $, alors que son collègue du
Champlain Regional College s’est fait rembourser 382 $.
Formation en bord de merEn étant membres de l’
Association des collèges communautaires du Canada (ACCC), les directeurs de cégeps se font inviter à plusieurs événements, partout au pays, et, chaque fois, ce sont les contribuables qui cueillent la facture. En juillet dernier, « sept ou huit » dirigeants de collèges ont participé à « l’Académie des directeurs » , organisée par l’ACCC, à l’hôtel
Fairmont Algonquin, un établissement de renom situé dans la baie de Fundy, au Nouveau-Brunswick. Le président de l’ACCC, James Knight, plaide que l’hôtel est sans doute le moins luxueux de la chaîne Fairmont, et que ses membres ont fait une « bonne affaire » , en y allant.
Le séjour a tout de même coûté 1 600 $ au directeur général du
Cegep de Drummondville, d’après sa note de frais. Le directeur du Cégep Édouard-Montpetit s’est quant à lui fait rembourser 576 $, uniquement en frais de déplacement pour s’y rendre.
Réunion en face des chutesUn mois plus tôt, les membres de l’ACCC ont été conviés au congrès de l’organisme, qui avait lieu à Niagara Falls.
Plusieurs cadres de collèges y sont allés, y compris la directrice du
Cégep de Baie-Comeau, Danielle Delorme, qui s’est fait rembourser 1 604,65 $ pour se rendre sur place et séjourner au
Sheraton on the Falls, indique son compte de dépenses.
L’établissement offre une vue imprenable sur les
chutes Niagara.