La langue de nos maîtresPar Yves Rancourt, QuébecComme on l’a vu dans le dossier des écoles passerelles et comme on le voit maintenant dans la décision d’imposer à tous les élèves de sixième une demi-année d’apprentissage intensif de l’anglais, le gouvernement libéral rêve de « bilinguiser » le Québec d’un horizon à l’autre, peu importe les besoins et le prix à payer.Tel était le rêve de P. E. Trudeau.Le Québec est pourtant déjà la société la plus bilingue en Amérique du Nord : près de 50 % des Québécois maîtrisent déjà le français et l’anglais ( c’est plus de 65 % à Montréal), et les gens qui éprouvent des besoins en ce sens s’emploient à y répondre par eux-mêmes.
D’où vient donc cet empressement d’imposer à tous les élèves francophones un tel apprentissage de l’anglais, où qu’ils soient au Québec?
D’un côté, on refuse d’ajouter des ressources pour enseigner le français aux nouveaux arrivants et, de l’autre, on se dit prêt à recruter des professeurs de l’Ontario pour nous angliciser.
En fait, cette décision, mise au point à partir d’un ingénieux exercice de conditionnement mental de la population, m’a rappelé ces quelques mots du livre à succès d’Albert Memmi,
Portrait du colonisé : «
S’il ( le colonisé) veut obtenir un métier, construire sa place, exister dans la cité et dans le monde, il doit d’abord se plier à la langue des autres, celle des colonisateurs, ses maîtres. Dans le conflit linguistique qui habite le colonisé, sa langue maternelle est l’humiliée, l’écrasée… De lui-même, il se met à écarter cette langue infirme, à la cacher aux yeux des étrangers, à ne paraître à l’aise que dans la langue du colonisateur. »
Voilà où nous mène à grands pas notre gouvernement libéral.